National Centre of Competence in Research PlanetS
Gesellschaftsstrasse 6 | 3012 Bern | Switzerland
  +41 31 684 32 39

Comment percer le mystère des naines brunes?

Les naines brunes sont des objets astronomiques dont la masse se situe entre celle des planètes et celle des étoiles. La question de savoir où se place exactement les limites de leur masse reste un sujet de débat, notamment provoqué par leur constitution très proche de celle des étoiles de faibles masses. Dès lors, comment savoir si l’on a affaire à une naine brune ou à une étoile de très faible masse ? Une équipe internationale, dirigée par des scientifiques de l’Université de Genève (UNIGE) et du Pôle de recherche national suisse (PRN) PlanetS, en collaboration avec l’Université de Berne, a identifié cinq objets dont la masse est proche de la limite séparant les étoiles des naines brunes, et qui pourraient aider à comprendre la nature de ces objets mystérieux. Des résultats à découvrir dans la revue Astronomy & Astrophysics.

Illustration d’artiste montrant les cinq naines brunes (TOI) ainsi que le Soleil, Jupiter et une étoile de faible masse pour référence. Crédit: Thibaut Roger

Comme Jupiter et d’autres planètes gazeuses géantes, les étoiles sont principalement constituées d’hydrogène et d’hélium. Mais contrairement aux planètes gazeuses, elles sont si massives et leur force gravitationnelle si puissante que les atomes d’hydrogène fusionnent pour produire de l’hélium et libèrent ainsi d’énormes quantités d’énergie et de lumière.

Des étoiles «ratées»
Les naines brunes, quant à elles, ne sont pas assez massives pour fusionner de l’hydrogène et ne peuvent donc pas produire l’énorme quantité de lumière et de chaleur des étoiles. À la place, elles fusionnent des réserves relativement faibles d’une version atomique plus lourde de l’hydrogène : le deutérium. Ce processus est moins efficace et la lumière des naines brunes est beaucoup plus faible que celle des étoiles. C’est pourquoi les scientifiques les qualifient souvent d’étoiles «ratées».

Nolan Grievesest chercheur post-doctoral à l’Université de Genève et membre associé du PRN PlanetS.

« Toutefois, on ne sait toujours pas où se situe exactement la limite en masse des naines brunes, limite qui permet de les distinguer des étoiles de faible masse qui brûlent leur hydrogène pendant plusieurs milliards d’années, alors qu’une naine brune a une phase de combustion plus courte puis reste beaucoup plus froide et plus faible », souligne Nolan Grieves, chercheur au Département d’astronomie de la Faculté des sciences de l’UNIGE, membre associé du PRN PlanetS et premier auteur de l’étude. « Cette limite en masse varie en fonction de la composition chimique de la naine brune, par exemple, ou de la manière dont elle s’est formée, ainsi que de son rayon initial », explique-t-il. Pour avoir une idée plus précise de la nature de ces objets mystérieux, il faut les étudier en détail. Or, il s’avère qu’ils sont plutôt rares. « Jusqu’à présent, nous n’avons caractérisé avec précision qu’une trentaine de naines brunes », précise le chercheur genevois. Comparé aux centaines d’exoplanètes géantes que les astronomes connaissent en détail, c’est très peu. D’autant plus si l’on considère que leur taille plus importante rendrait les naines brunes plus faciles à détecter que les planètes.

 

De nouvelles pièces au puzzle

Monika Lendl est professeur d’astrophysique à l’Université de Genève et membre du PRN PlanetS.

Aujourd’hui, l’équipe internationale a caractérisé cinq compagnons identifiés tout d’abord par le satellite TESS (Transiting Exoplanet Survey Satellite) de la NASA en tant qu’objets d’intérêts (TOI) – TOI-148, TOI-587, TOI-681, TOI-746 et TOI-1213. Ceux-ci sont qualifiés de ‘compagnons’, car ils orbitent et transitent autour de leur étoile hôte respective. Ils le font avec des périodes de 5 à 27 jours, ont des rayons compris entre 0,81 et 1,66 fois celui de Jupiter mais sont par contre entre 77 et 98 fois plus massifs que Jupiter. Cela les place à la limite entre les naines brunes et les étoiles.

Ces cinq nouveaux objets recèlent donc des informations précieuses. « Chaque nouvelle découverte révèle des indices supplémentaires sur la nature des naines brunes et nous permet de mieux comprendre comment elles se forment et pourquoi elles sont si rares », précise Monika Lendl, chercheuse au Département d’astronomie de l’UNIGE et membre du PRN PlanetS.

François Bouchy est professeur d’astrophysique à l’Université de Genève et membre du PRN PlanetS.

L’un des indices que les scientifiques ont découvert et qui indique que les objets sont des naines brunes est la relation entre leur taille et leur âge, comme l’explique François Bouchy, professeur à l’UNIGE et membre du PNR PlanetS : « Les naines brunes sont censées rétrécir avec le temps, car elles brûlent leurs réserves de deutérium et se refroidissent. Ici, nous avons constaté que les deux objets les plus anciens, TOI 587 et 681, ont un rayon plus petit, tandis que les deux compagnons plus jeunes, TOI-148 and TOI-746, ont un rayon plus grand. »

Pourtant, ces objets sont si proches de la limite qu’ils pourraient tout aussi bien être des étoiles de très faible masse, les astronomes ne sont d’ailleurs toujours pas certain-es de leur nature de naine brune. « Même avec ces objets supplémentaires, nous manquons encore de chiffres pour tirer des conclusions définitives sur les différences de distinction entre les naines brunes et les étoiles de faibles masses. D’autres études sont nécessaires pour en savoir plus », conclut Grieves.

 

Détails de la publication: Grieves et al., Populating the brown dwarf and stellar boundary: Five stars with transiting companions near the hydrogen-burning mass limit, Astronomy & Astrophysics, 2021, DOI: 10.1051/0004-6361/202141145

Categories: News

Si tu aimes ce que tu vois, partage le!

Share Tweet Share Save Share Email