National Centre of Competence in Research PlanetS
Gesellschaftsstrasse 6 | 3012 Bern | Switzerland
  +41 31 684 32 39

Migration tumultueuse en bordure du désert des Neptunes chaudes

Toutes sortes d’exoplanètes orbitent très près de leur étoile. Certaines ressemblent à la Terre, d’autres à Jupiter. Très peu pourtant s’apparentent à Neptune. Pourquoi cette anomalie dans la distribution des exoplanètes? Des chercheurs/euses de l’Université de Genève (UNIGE) et du Pôle de recherche national (PRN) PlanetS ont observé un échantillon de planètes situées en bordure de ce désert de Neptunes chaudes pour comprendre sa création. En utilisant une technique combinant les deux méthodes principales d’étude des exoplanètes (les vitesses radiales et les transits), ils/elles ont pu établir qu’une partie de ces exoplanètes a migré de façon mouvementée près de leur étoile, ce qui les a poussées en dehors du plan orbital où elles se sont formées. Ces résultats sont publiés dans la revue spécialisée Astronomy & Astrophysics.

Astronomes explorant la bordure du désert des Neptunes chaudes. Illustration extraite de l’exposition Exoplanètes, Arts, Science & Fiction – © Elsa Bersier – CFPArts / ESBDi Genève

Depuis la découverte de la première exoplanète, en 1995, les chercheurs/euses ont débusqué plus de 5’000 planètes dans notre voisinage galactique, la plupart orbitant très proche de leur étoile. Si la diversité de ces nouveaux mondes s’étend des géantes gazeuses de la taille de Jupiter ou Saturne aux plus petites planètes de la taille de Mercure, en passant par des planètes rocheuses plus grosses que la Terre, les planètes gazeuses de la taille de Neptune semblent manquer à l’appel. Les astronomes nomment cette «case» vide dans la distribution des planètes proches le désert des Neptunes chaudes.

«La distribution des planètes proches de leur étoile est façonnée par une interaction complexe entre les processus atmosphériques et dynamiques, c’est-à-dire les mouvements des planètes au cours du temps», commente Vincent Bourrier, professeur assistant au Département d’astronomie de la Faculté des sciences de l’UNIGE. «Nous avons aujourd’hui plusieurs hypothèses pour expliquer ce désert mais rien n’est encore certain et le mystère demeure». Ces planètes ont-elles perdu entièrement leur atmosphère, érodées par l’intense rayonnement de leur étoile? Ont-elles migré depuis leur lieu de naissance dans les parties extérieures du système par un mécanisme différent de celui des autres types de planètes, les empêchant d’atteindre les mêmes orbites rapprochées?

Migration perturbatrice

Dans de récents travaux, une équipe de l’UNIGE apporte quelques réponses en s’intéressant à l’architecture orbitale des planètes situées en bordure de ce désert. En effectuant un relevé de quatorze planètes autour de cette zone, allant des petites planètes aux géantes gazeuses, les astronomes se sont intéressé-es à la façon dont leurs orbites sont orientées par rapport à l’axe de rotation de leur étoile. Cette information permet de distinguer les processus de migration douce (les planètes se meuvent dans le plan équatorial de leur étoile où elles se sont formées) des processus de migration perturbatrice (les planètes migrent et sont poussées en dehors du plan où elles se sont formées).

Les chercheurs/euses ont pu démontrer que la majorité des planètes de leur échantillon possèdent une orbite désalignée avec l’équateur stellaire. «Nous avons constaté que les trois-quarts de ces planètes ont une orbite polaire (elles tournent au-dessus des pôles de leur étoile), ce qui représente une fraction plus importante que pour les planètes plus éloignées du désert. Cela traduit le rôle des processus de migration perturbatrice dans la formation du désert», résume Vincent Bourrier, premier auteur.

Deux méthodes combinées

Pour parvenir à ces résultats, les scientifiques ont utilisé la méthode des vitesses radiales et la méthode des transits, employées pour l’étude des exoplanètes. «Analyser les vitesses radiales pendant le transit d’une planète permet de déterminer si celle-ci orbite autour de l’équateur stellaire, autour des pôles, ou si le système se trouve dans une configuration intermédiaire, car différentes architectures produiront différentes signatures», explique Omar Attia, doctorant au Département d’astronomie de la Faculté des sciences de l’UNIGE et second auteur de l’étude. Ces deux méthodes ont été combinées à des données obtenues notamment avec les spectrographes HARPS et HARPS-Nord, créés à l’UNIGE et situés sur le télescope de 3.6m de l’ESO (Observatoire Européen Austral) et du TNG (Telescopio Nazionale Galileo).

Le chemin à parcourir pour comprendre l’ensemble des mécanismes de la formation du désert des Neptunes chaudes est encore long. Il faudra notamment explorer avec cette technique les plus petites planètes en bordure du désert, aujourd’hui difficilement accessible même avec des instruments de dernière génération comme le spectrographe ESPRESSO, construit par l’UNIGE et installé sur les plus grands télescopes européens. Il faudra attendre la mise en service de l’ELT, le super télescope de 39 mètres de l’ESO prévu pour 2027.

Ces recherches ont été menées dans le cadre du projet SPICE DUNE (SpectroPhotometric Inquiry of Close-in Exoplanets around the Desert to Understand their Nature and Evolution), pour lequel Vincent Bourrier a bénéficié du soutien du Conseil Européen de la Recherche (ERC).

 

Categories: News

Si tu aimes ce que tu vois, partage le!

Share Tweet Share Save Share Email