Former Mercure par impacts géants
La plus petite planète de notre système solaire a un large noyau métallique. Comment cela se fait-il? D’après la théorie la plus populaire, Mercure aurait perdu une grande partie de son manteau dans une collision. Alice Chau et ses collègues de l’Université de Zurich ont simulé différent scénarios avec un super-ordinateur. Leur résultat ? Former Mercure par impacts géants est possible mais difficile.
Vidéo d’une collision pour le cas 1 : le proto-Mercure de 2,7 M_☿ entre en collision avec un objet de 1,125 M_☿ avec un angle d’impact de b=0,2 et v=18 km/s. Sur l’écran de droite, nous zoomons sur le plus gros fragment de 0,99 M_☿ et un rapport fer/roche de 0,6.
Comparé à la Terre, Vénus ou Mars, Mercure est beaucoup plus métallique. Elle a un large noyau de fer mais seulement un manteau fin. Cette propriété mystérieuse a intrigué les chercheurs pendant des décennies. « Nous pensons que Mercure aurait pu se former de manière similaire aux autres planètes, c’est-à-dire qu’elle avait un noyau qui pesait un tiers de la masse de la planète mais qu’elle a par la suite perdu la majeure partie de son manteau “, explique Alice Chau, doctorante et associée de PlanetS à l’Université de Zurich. Comment cette perte s’est produite est encore débattu.
In 1988, Willy Benz, actuellement directeur du NCCR PlanetS, et ses collègues, ont suggéré que le manteau ait été soufflé durant un impact géant et ont simulé un tel processus avec des calculs numériques qui ont été raffinés en 2007. « Cependant les conditions exactes qui ont mené à la formation de Mercure par impacts géants sont encore inconnues », explique Alice Chau. Ainsi avec ses collègues de l’institut pour les sciences numériques elle a décidé d’examiner l’hypothèse de l’impact géant à l’aide de simulations effectuées par l’un des supercomputers les plus puissants d’Europe. La machine, nommée Piz Daint d’après une proéminente montagne dans les Grisons, est située au Centre National de super computing (CSCS) à Lugano.
« Nous avons examiné trois différents scénarios », explique la chercheuse. Dans le « Cas-1 », proto-Mercure a été percuté par un objet plus petit comme dans les simulations calculées par Benz et al. En 2007. Dans le « Cas-2 », Mercure est en fait l’impacteur et percute un objet plus massif qui ne se trouve plus dans le système solaire. Ce scénario est appelé « hit-and-run », ou « frappe-et-court ». Dans le troisième cas, Mercure est percuté par plusieurs impacteurs. « Nous avons trouvé qu’il est possible de former Mercure dans ces différents scénarios mais que chacun d’entre eux exige des conditions assez spécifiques », résume Alice Chau.
Impacts multiple plus probables
Par exemple, dans une collision violente unique l’angle d’impact et la vitesse doivent être ajustés pour reproduire la masse et le rapport fer-roche de Mercure. De plus la question de savoir si les données collectées par la sonde spatiale Messenger de la NASA sont cohérentes avec un impact géant unique reste ouverte. De nouvelles observations par la sonde européenne BepiColombo pourraient résoudre ce problème lorsqu’il arrivera sur Mercure en 2025. « Il est ainsi possible, et peut-même plus probable que Mercure se soit formée à la suite de plusieurs impacts » écrit l’équipe dans son article publié dans Astrophyics Journal.
La difficulté de former Mercure peut sembler décevant mais a aussi quelque chose à offrir. « Ceci est cohérent avec le fait que nous n’avons observé que quelques exoplanètes qui ont une densité moyenne similaire à celle de Mercure parmi les quelques milliers que nous connaissons déjà », dit Alice Chau. « Ce qui serait vraiment intéressant serait de découvrir plus de ces planètes et étudier si elles ont un mécanisme de formation commun avec Mercure. Peut-être même qu’elles nous aideraient à mieux comprendre l’origine de notre propre Mercure. »
Alice Chau, Christian Reinhardt, Ravit Helled, and Joachim Stadel: Forming Mercury by Giant Impacts, The Astrophysical Journal, Volume 865, Number 1,
DOI: https://doi.org/10.3847/1538-4357/aad8b0