Le télescope spatial James Webb détecte du dioxyde de carbone dans l’atmosphère d’une exoplanète
Le télescope spatial James Webb fait sensation avec son premier résultat scientifique : pour la première fois, du CO2 a été détecté de manière concluante dans l’atmosphère d’une planète située en dehors du système solaire. Des chercheurs de l’Université de Berne, de l’Université de Genève et du Pôle de recherche national (PRN) PlanetS participent à cette étude.
En raison de son rôle dans la régulation du climat, le dioxyde de carbone est un composant central de l’atmosphère terrestre. Pouvoir détecter clairement cette molécule dans l’atmosphère d’exoplanètes lointaines est donc une étape essentielle dans la recherche de mondes propices à la vie. C’est exactement ce qu’une équipe internationale de chercheurs, avec la participation de l’Université de Berne, de l’Université de Genève et du Pôle de recherche national (PRN) PlanetS, a réalisé grâce à des observations avec le télescope spatial James Webb. Le télescope est exploité conjointement par l’Agence spatiale européenne ESA, la National Aeronautics and Space Administration NASA, et l’Agence spatiale canadienne CSA, et a commencé ses travaux scientifiques en juin 2022. Les premiers résultats ont été publiés dans la revue scientifique Nature.
Déceler la composition de l’atmosphère en filtrant la lumière
La planète WASP-39b est une géante gazeuse chaude en orbite autour d’une étoile semblable au Soleil, à une distance de 700 années-lumière de la Terre. Contrairement aux géantes gazeuses de notre système solaire, WASP-39b tourne très près de son étoile – à peine un huitième de la distance entre le Soleil et Mercure – et effectue une révolution en un peu plus de quatre jours terrestres. En raison de l’intense insolation qu’elle reçoit, la planète se réchauffe jusqu’à 900°C environ. “La chaleur provoque l’expansion de l’atmosphère de la planète, ce qui rend WASP-39b un tiers plus grande que Jupiter, la plus grande géante gazeuse de notre système solaire”, explique Monika Lendl, co-auteure de l’étude, professeure d’astronomie à l’Université de Genève et membre du NCCR PlanetS.
Lorsqu’une planète passe directement devant son étoile hôte, une partie de la lumière de l’étoile traverse l’atmosphère planétaire avant d’atteindre le télescope. “L’atmosphère filtre certaines couleurs de cette lumière plus efficacement que d’autres, en fonction de facteurs tels que sa composition, son épaisseur et son contenu en nuages”, explique M. Lendl. Avec le télescope James Webb, les chercheurs peuvent décomposer la lumière en ses couleurs pour identifier les “empreintes digitales” caractéristiques des différents gaz et déterminer la composition de l’atmosphère.
Première détection claire de dioxyde de carbone sur une exoplanète
En utilisant l’instrument NIRSpec (Near-Infrared Spectrograph) du télescope Webb, l’équipe de chercheurs a pu détecter l’empreinte du dioxyde de carbone dans la lumière qui a traversé l’atmosphère de WASP-39b. “Dès le premier coup d’œil aux données, il était déjà clair que nous avions affaire à une découverte spectaculaire”, explique Dominique Petit dit de la Roche, chercheuse à l’Université de Genève, coauteure de l’étude et membre du NCCR PlanetS. “Pour la première fois, le dioxyde de carbone a été clairement détecté sur une planète en dehors du système solaire”.
“La détection d’un signal aussi clair de dioxyde de carbone sur WASP-39b est de bon augure pour la détection d’atmosphères sur des planètes plus petites, de taille terrestre, ainsi que pour la mesure des abondances d’autres gaz comme l’eau et le méthane”, a déclaré Natalie Batalha de l’Université de Californie à Santa Cruz, cheffe de l’équipe de recherche internationale qui a réalisé les observations.
Comprendre la composition de l’atmosphère d’une planète permet également de mieux comprendre l’origine de la planète et son évolution. “Les molécules de dioxyde de carbone sont des traceurs sensibles de l’histoire de la formation des planètes”, explique Elspeth Lee, co-auteure de l’étude, boursière Ambizione à l’Université de Berne et membre du PRN PlanetS. “La détection claire du dioxyde de carbone dans WASP-39b nous donne des informations sur l’inventaire des molécules de carbone et d’oxygène dans l’atmosphère. Cela nous donne une idée des divers processus chimiques qui se déroulent dans des atmosphères soumises à des conditions aussi extrêmes, ainsi que des matériaux rocheux et gazeux que la planète a pu ramasser au cours de ses phases de formation”, explique Lee.
Early Release Science
L’observation NIRSpec de WASP-39b n’est qu’une partie d’un grand projet d’observation mené avec le télescope James-Webb. Celui-ci comprend d’autres observations de WASP-39b ainsi que de deux autres planètes hors de notre système solaire. Ces observations s’inscrivent dans le cadre du programme Early Release Science, développé pour mettre à la disposition de la communauté scientifique internationale les données scientifiques du télescope James-Webb le plus rapidement possible et assurer ainsi la meilleure utilisation scientifique possible du télescope spatial.
Publication : JWST Transiting Exoplanet Community Early Release Science Team: Identification of carbon dioxide in an exoplanet atmosphere, Nature, 2022, http://arxiv.org/abs/2208.11692
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