51 Peg b, top secret
Lorsqu’ils réalisèrent qu’ils avaient découvert la première planète extra-solaire, les deux astronomes ont gardé le secret jusqu’à l’annonce officielle en octobre 1995.
Eté 1995, comme tous les jours à midi les astronomes de l’observatoire de Genève interrompent leur travail pour aller déjeuner à la cafétéria. Parmi eux Didier Queloz, il s’installe à la table où est déjà assis un de ses collègues. « Salut, tu sais, je crois qu’on tient quelque chose de gros », lui dit-il avec un petit air triomphal, « mais je ne peux rien dire » ajoute t-il à voix basse comme pour ajouter un effet mystérieux et secret à sa déclaration. « Tu en as trop dit, maintenant tu dois aller jusqu’au bout » lui répond son collègue, qui comme la plupart des gens de l’observatoire sent que quelque chose d’important se prépare. Rien à faire, bien que sa fébrilité soit palpable Didier gardera le silence, il lâchera tout de même qu’il faudra attendre un congrès à Florence pour avoir le fin mot de l’histoire. Une déclaration qui ne fera qu’attiser la curiosité des ses collègues puisque personne n’avait entendu parler de ce congrès.
« Il y avait effectivement une ambiance un peu fébrile » se souvient Luc Weber informaticien qui avait mis au point le langage évolué qu’utilisait Didier Queloz pour réduire les spectres. « Fébrile mais sympathique » assure l’informaticien, « on faisait quelque chose de complètement nouveau. On ne parlait pas encore de planète, mais l’idée d’avoir une mesure des vitesses radiales en temps réel avec un appareil super précis nous motivait énormément ». En effet les astronomes, informaticiens, opticiens et ingénieurs qui travaillaient sur le projet ELODIE avançaient dans l’inconnu aussi bien du point de vue de la technique CCD que de celle de la fibre optique.
« A cette époque j’étais dans le bureau de Didier Queloz » raconte Stéphane Udry, « j’utilisais un software assez simple pour chercher des sinusoïdes dans une forêt de points ». C’est alors que Didier lui a demandé de voir si dans les mesures de 51 peg, le software de Stéphane Udry pouvait dans un premier temps trouver une éventuelle période caractéristique. « On a tout de suite trouvé 4,2 jours, mais Didier n’y croyait pas. Tu délires m’a t-il dit en doutant de ma santé mentale ou de mon software », en rit encore celui qui allait devenir le directeur de l’observatoire de Genève. Puis, au fur et mesure que s’accumulent les mesures, les deux astronomes forgent leur conviction, ça ne peut être qu’une planète.
Pendant tout l’été 1995 ils ont beaucoup travaillé pour éliminer toutes les sources d’erreurs et toutes les possibilités qui pourraient expliquer un autre phénomène physique que la présence d’une planète. « Ils devenaient très discrets » se souvient Daniel Schaerer qui venait de terminer sa thèse, « ils avaient tendance à s’enfermer dans leur bureau d’où rien ne sortait » explique l’actuel spécialiste en galaxies lointaines.
La suite on la connaît, l’annonce faite au congrès de Florence, la confirmation par les concurrents américains dirigés par Geoffrey Marcy et enfin le déferlement médiatique. « Je me souviens que la fondation Marcel Benoit voulait attribuer son prix à Michel Mayor en 1996 déjà» explique Stéphane Berthet secrétaire général de l’université de Genève, mais suite à la polémique lancée par l’équipe canadienne qui prétendait que ce n’était pas une planète mais une tache sur l’étoile, la fondation a décidé de retarder l’attribution du prix ». Le prix Marcel Benoît, un prix souvent considéré comme étant le Nobel suisse, sera finalement décerné à Michel Mayor l’année suivante. (pb)
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