Les orbites renversantes d’un système multi-planétaire
Des astronomes dirigé-es par l’UNIGE et membres du PRN PlanetS ont découvert des exoplanètes qui tournent dans des plans orbitaux à 90 degrés l’un de l’autre.
Lorsque des planètes se forment, elles poursuivent généralement leur évolution orbitale dans le plan équatorial de leur étoile. Pourtant, une équipe internationale, menée par des astronomes de l’Université de Genève (UNIGE) et membres du PRN PlanetS, a découvert que les exoplanètes d’une étoile de la constellation des Poissons orbitent dans des plans perpendiculaires entre eux, seule la planète la plus proche de l’étoile se trouvant toujours dans son plan équatorial. Pourquoi? Cette configuration radicalement différente de notre système solaire, où les planètes orbitent proches d’un même plan, pourrait être due à l’influence d’un compagnon lointain de l’étoile qui demeure encore inconnu. Cette étude, à lire dans la revue Astronomy & Astrophysics, a été réalisée grâce à l’extrême précision atteinte par ESPRESSO et CHEOPS, deux instruments dont le développement a été mené par la Suisse.
Les théories sur l’origine des systèmes planétaires prédisent que les planètes se forment dans le plan équatorial de leur étoile et y poursuivent leur évolution, à moins que des évènements particuliers ne viennent les perturber. Rien de tel dans le système solaire, où nos planètes se trouvent proches du plan équatorial solaire. On dit dans ce cas que les planètes sont alignées avec leur étoile. Or, une étude de 2019 a montré que deux des trois planètes autour de l’étoile HD3167 ne sont pas alignées avec elle. HD3167c et HD3167d, deux mini-Neptunes qui orbitent en 8,5 et 29,8 jours, passent en effet au-dessus des pôles de l’étoile, à près de 90 degrés de son plan équatorial.
Synergie entre instruments
En ré-observant ce système avec des instruments plus performants, une équipe, menée par des astronomes de l’UNIGE, est parvenue à mesurer l’orientation du plan orbital de la troisième planète, la super terre HD3167b, qui orbite en seulement 23 heures. Lorsqu’une planète transite son étoile, l’orientation de son orbite peut être déterminée avec un spectrographe, qui permet de mesurer le mouvement des régions stellaires occultées par la planète et ainsi en déduire sa trajectoire. Plus la planète est petite, plus ce mouvement est difficile à détecter. C’est donc avec ESPRESSO et l’un des quatre télescopes du VLT au Chili que les scientifiques ont pu déterminer l’orbite de HD3167b, qui se trouve être alignée avec l’étoile et perpendiculaire au plan orbital de ses deux congénères. «Il nous fallait un maximum de lumière et un spectrographe très précis pour parvenir à mesurer le signal d’une si petite planète», commente Vincent Bourrier, chercheur au Département d’astronomie de la Faculté des sciences de l’UNIGE. «Deux conditions remplies par la précision d’ESPRESSO, combinée à la puissance collectrice du VLT.»
Ce résultat n’aurait pas pu être obtenu sans une connaissance précise du moment où HD3167b transite son étoile: le temps n’était connu qu’avec une précision de 20 minutes – une éternité pour un transit qui dure 97 minutes. Les astronomes se sont donc tourné-es vers le consortium du satellite CHEOPS, dont la mission principale est justement de mesurer les transits avec une très haute précision. «CHEOPS nous a permis de connaître le moment du transit avec une précision inférieure à la minute. C’est une bonne illustration de la synergie qu’il peut y avoir entre différents instruments, ici CHEOPS et ESPRESSO, et les équipes qui les exploitent», relève Christophe Lovis, chercheur au Département d’astronomie de l’UNIGE et membre des deux consortia.
Un corps céleste inconnu responsable de ce désordre
Ces nouvelles mesures semblent confirmer la prédiction faite en 2019 sur la présence d’un quatrième corps orbitant HD3167. Dans ce scénario, la proximité de HD3167b à son étoile l’a maintenue sous son influence, forçant la petite planète à tourner dans le plan dans lequel elle s’est formée. Au contraire, les deux mini-Neptunes, plus lointaines, ont pu se libérer de leur étoile, mais sont finalement tombées sous l’influence de ce quatrième corps, qui aurait progressivement désaligné leurs orbites. Le chemin est donc tout tracé pour les scientifiques, qui partent maintenant à la recherche de ce compagnon élusif.
Cette étude est publiée dans:
Astronomy & Astrophysics
DOI: 10.1051/0004-6361/202141527
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