National Centre of Competence in Research PlanetS
Gesellschaftsstrasse 6 | 3012 Bern | Switzerland
  +41 31 684 32 39

À la recherche de météorites en Antarctique

Trouver des météorites n’est pas chose aisée. Pourtant, une équipe de scientifiques, dont la Professeure Maria Schönbächler de l’ETH Zurich, membre du PRN PlanetS, ont réussi cela lors d’une expédition. Leur secret ? Se rendre en Antarctique où ils ont trouvé plusieurs nouvelles météorites entre décembre 2022 et janvier 2023, dont une pièce unique de 7,6 kilos.

L’équipage entoure la météorite de 7,6 kg récemment trouvée.

Trouver une aiguille dans une botte de foin

On peut se demander pourquoi l’équipe de scientifiques, composée de membres de Suisse, de Belgique et des États-Unis, a décidé de se rendre en Antarctique et n’a pas cherché de météorites ailleurs. Il y a plusieurs bonnes raisons à cela. Tout d’abord, puisqu’il s’agit de rechercher ce qui pourrait sembler être une roche normale, si ce n’est qu’elle recèle une croûte sombre, un désert est l’endroit idéal pour scruter une grande zone d’un coup d’oeil afin d’identifier d’éventuelles météorites. C’est pourquoi les déserts comme le Sahara figurent généralement parmi les terrains de chasse préférés des chercheurs et chercheuses de météorites. Toutefois, cela revient à chercher une aiguille dans une botte de foin, car il y a beaucoup de roches dans un désert. D’autre part, la couche de glace et de neige de l’Antarctique, avec sa couleur blanc-bleu, fait ressortir toute roche comme une anomalie, une raison supplémentaire pour les scientifiques de s’y rendre malgré la rudesse du climat. Enfin, en bougeant les glaciers déplacent avec eux des roches, y compris des météorites tombées sur les glaciers. Dans des endroits particuliers où la couche de glace est lentement érodée par les vents, les roches et les météorites réapparaissent et s’accumulent en moraines. C’est un bon endroit pour chercher des météorites. Les champs de glace bleue sont un autre type de zones relativement rares (1 % de la surface de l’Antarctique) résultant de l’érosion par le vent. Ces régions sont également idéales pour rechercher des météorites précieuses.

Combattre les éléments

L’objectif de l’équipe était principalement de rechercher de nouvelles zones de concentration potentielles, en se basant sur des images satellite des alentours de la station de recherche belge Princess Elisabeth. Le continent du pôle Sud n’est cependant pas une terre très hospitalière. Les chercheurs ont néanmoins pu compter sur Alain Hubert de l’International Polar Foundation, un explorateur expérimenté qui connaît bien la région. Il a d’abord inspecté les zones potentielles pour assurer la sécurité de l’expédition. Les chercheurs ont également suivi une formation sur les crevasses et Manu Poudelet (International Polar Guide) les a guidés en toute sécurité sur le terrain.

L’équipage a suivi une formation sur les crevasses, qui constituent un véritable casse-tête lors de l’exploration de la région, en particulier lorsqu’elles sont recouvertes d’une couche de neige qui les dissimule, comme l’explique Alain Hubert dans cette vidéo (en anglais).

La position de la station de recherche Princess Elisabeth en Antarctique. Ⓒ2023 Google Maps

De la station de recherche à la première zone cible située à une soixantaine de kilomètres, l’équipe a dû parcourir avec précaution le paysage de dunes de neige avec leurs motoneiges, en faisant de grands détours pour éviter les zones dangereuses pleines de crevasses, et en campant la nuit dans les champs de glace.

Bien que ce soit l’été, la température ne dépasse généralement pas les -10°C et le vent a soufflé assez régulièrement pendant le mois que les scientifiques ont passé sur place. La force du vent a même obligé l’équipage à rester à la station pendant plusieurs jours.

Certains jours, les conditions météorologiques ont empêché la recherche de météorites.

Un pari gagnant

Cette expédition difficile s’est avérée payante pour l’équipe scientifique internationale, qui a réussi à trouver cinq météorites dans l’une des zones de recherche, la cerise sur le gâteau étant la météorite de 7,6 kilogrammes trouvée le dernier jour, au cours de la dernière heure de recherche. La nature de cette roche ne faisait pas non plus de doute : sa surface présente des signes évidents d’une croûte de fusion noire, due à l’échauffement important de la météorite lors de son entrée dans l’atmosphère. Moins de 0,3 % des météorites découvertes en Antarctique sont plus massives que celle-ci. Il s’agit donc d’une découverte exceptionnelle parmi les plus de 40 000 météorites découvertes en Antarctique au cours des cinq dernières décennies d’exploration. Parmi les quatre autres météorites plus modestes, l’une des plus intrigantes ne pèse “que” 150 grammes. Cela dit, elle est très dense et a une forme particulière, ce qui laisse les scientifiques perplexes quant à sa composition. Toutes les météorites ont été soigneusement emballées dans des boîtes spéciales avec des coussins réfrigérants pour être réchauffées dans des conditions contrôlées une fois de retour en Europe.

Il faut des yeux d’expert pour repérer une météorite comme celle-ci : une roche plus foncée au milieu d’autres…

Que le début

Les météorites ne sont pas le seul élément de l’Antarctique que l’équipage a ramené dans ses bagages. L’expédition a également profité de l’occasion pour prélever des sédiments à grains fins. Ils ont été partagés équitablement entre les différents instituts impliqués et seront analysés à la recherche de micrométéorites. Les cinq météorites sont conservées en Belgique et seront mises à la disposition de chaque institut impliqué dans l’expédition pour leurs recherches. L’un des avantages des météorites trouvées en Antarctique est qu’elles sont généralement englouties dans la glace après l’impact, ce qui les protège partiellement des altérations de l’environnement jusqu’à ce qu’elles soient révélées. Cela permet aux scientifiques de mieux déterminer l’âge et la composition des météorites, qui proviennent probablement de la ceinture d’astéroïdes située entre Mars et Jupiter et sont généralement âgées de plus de 4 milliards d’années. La plupart de ces météorites n’ont pas changé depuis leur formation, ce qui nous donne un aperçu de la formation du système solaire. En outre, les météorites ont également apporté sur Terre des composés organiques qui pourraient avoir joué un rôle clé dans le développement de la vie. La découverte et l’analyse d’un plus grand nombre de météorites pourraient donc nous permettre de mieux comprendre les origines de la vie.

Les objectifs de la mission ont été pleinement atteints : sur les six zones explorées, toutes les météorites ont été trouvées dans une seule d’entre elles, ce qui ouvre des perspectives intéressantes pour les futures expéditions dans cette zone. Les scientifiques sont impatients de planifier une autre expédition, malgré les conditions plutôt difficiles. Comme l’explique Maria Schönbächler, “L’Antarctique est encore largement vierge, c’est un magnifique désert de glace qui mérite d’être préservé. Je me sens privilégiée d’avoir pu le visiter“.

 

Toutes les photos, sauf indication contraire, ont été fournies et appartiennent à Maria Schönbächler – ETH Zurich.

Categories: External Newsletter, News, user_portrait

Si tu aimes ce que tu vois, partage le!

Share Tweet Share Save Share Email