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Comment pourrions nous rechercher la vie à l’avenir

La mission “LIFE” de l’ESA, proposée par les chercheurs de PlanetS, pourrait aider à répondre aux questions sur l’habitabilité de notre environnement spatial en employant de nouvelles méthodes.

Lorsque l’on regarde le ciel la nuit, tôt ou tard, se pose alors l’inévitable question: « Sommes-nous seuls ? »

Jusqu’à présent, la science n’a pas trouvé la réponse, même si depuis les années 1990 il est certain que des planètes tournent autour d’étoiles situées au-delà des limites de notre système solaire. Depuis, plus de 4000 de ces exoplanètes ont été découvertes en montrant une remarquable diversité. Des géantes gazeuses chauffées au rouge, aux planètes ressemblant à de la mousse de polystyrène en passant par des mondes océaniques enveloppés de glace, on trouve presque toutes les variétés imaginables dans l’immensité de l’espace. Dans les années à venir, des missions comme CHEOPS en découvriront probablement beaucoup d’autres.

Mais quelles sont celles qui pourraient servir d’habitat à des formes de vie ? De telles planètes sont-elles rares ? Pourrait-il y avoir des mondes déjà habités ? Une initiative, menée par des chercheurs de PlanetS, veut réaliser une mission spatiale dans les prochaines décennies, qui pourrait aider à répondre à ces questions, c’est le “Large Interferometers For Exoplanets”, ou “LIFE” en abrégé.

Affiner la recherche 

La chose la plus évidente à faire est de chercher des planètes semblables à la Terre soit des planètes qui reçoivent de leur étoile la quantité d’énergie permettant à l’eau d’être liquide, une énergie comprise entre 0,35 à 1,75 fois environ celle que la Terre reçoit. Elles doivent également être de la bonne taille, assez grandes pour avoir une gravité suffisante pour contenir une atmosphère, mais pas trop au risque d’attirer d’énormes quantités de gaz interstellaire. De plus, il doit être possible de les observer avec assez de précision. Dans ce contexte, cela signifie que le signal de rayonnement de la planète devrait être au moins cinq fois plus fort que celui du rayonnement de fond cosmique. En d’autres termes, il faudrait que le rapport signal/bruit (SNR) soit au moins égal à 5.

Selon le chercheur de PlanetS, Sascha Quanz, il pourrait y avoir environ 50 candidats de ce type dans notre voisinage galactique. Pour cette estimation, le chercheur et ses collègues ont simulé des systèmes planétaires dans un rayon d’environ 60 années-lumière. Leur simulation est basée sur les données de la mission Kepler de la NASA, qui a découvert près de 2700 exoplanètes en 9 ans. “Cette estimation de 50 planètes semblables à la Terre est basée sur l’état actuel de nos connaissances”, précise Sascha Quanz, “mais il pourrait y en avoir beaucoup plus”.

Sascha Quanz, professeur d’exoplanètes et d’habitabilité à l’EPF Zürich. (Image ETHZ).

En effet, les méthodes utilisées jusqu’à présent pour traquer les exoplanètes ne sont pas particulièrement adaptées aux planètes semblables à la Terre et ne permettent de trouver qu’une fraction d’entre elles.

Actuellement, les exoplanètes sont principalement détectées par des méthodes indirectes, le plus souvent par la méthode dite des transits, qui mesure l’obscurcissement de l’étoile lors du passage de la planète. Cette méthode présente toutefois de sérieux inconvénients, explique Quanz : “La probabilité d’un transit de planètes semblables à la Terre devant une étoile semblable au Soleil est d’environ 0,5%”. De plus, un seul transit ne suffit pas pour identifier une planète sans ambiguïté. Un obscurcissement pourrait également être causé par le passage d’astéroïdes ou par des erreurs de mesure. Il faut donc mesurer plusieurs transits périodiques. En fonction de la période orbitale, cela peut prendre des années. Enfin, les planètes semblables à la Terre étant relativement petites, la détection de l’obscurcissement de l’étoile par leur passage est compliqué.

Pour ces raisons, la mission “LIFE” prévue utilisera une nouvelle méthode permettant l’observation directe des exoplanètes, c’est la méthode dite de l'”interféromètre à zéro”. À l’aide d’un élément central, elle combine les rayons de l’étoile qui atteignent plusieurs télescopes de telle manière qu’ils s’annulent mutuellement. Ainsi, la lumière de l’étoile qui nous aveugle s’attenue et le faible rayonnement de la planète devient détectable, un peu comme si on couvrait le soleil de la main pour voir passer un avion.

Illustration conceptuelle des télescopes LIFE et de l’instrument central permettant de combiner les faisceaux. (Source: ETH Zurich)

“Si vous faites cela correctement, au lieu des 0.5% de détection possible avec la méthode des transits, tout devient soudainement détectable”, explique Sascha Quanz. L’observation directe serait donc un grand pas en avant, au moins pour notre environnement proche qui pourrait être observé avec cette méthode.

L’image suivante illustre à quoi ressemblerait une observation un jour. Elle montre le rapport entre le rayonnement planétaire simulé et le rayonnement de fond. Les points jaunes indiquent la présence d’une planète avec un rapport signal sur bruit élevé (SNR). Le point dans le coin supérieur droit marque la planète et ceux du côté opposé sont dus à la configuration des instruments.

Observation simulée d’une planète grâce à LIFEsim (Quanz et al., in prep)

Ces mesures permettent d’estimer la taille de la planète ainsi que la température de surface. Grâce à ces informations, les chercheurs peuvent ensuite évaluer les candidats qui mériteraient d’être étudiés plus en détail. Seules des observations plus approfondies fournissent des informations fiables sur les planètes qui sont réellement entourées d’une atmosphère pouvant éventuellement contenir de l’eau.

La Terre est-elle une exception ?

Les chercheurs obtiennent ces informations à partir du spectre de rayonnement des planètes qui montre l’intensité du rayonnement dans différentes gammes de lumière infrarouge en révélant d’éventuelles parties manquantes.

Ceci peut être bien illustré en utilisant l’exemple du spectre de la Terre, montré dans le diagramme suivant. La courbe rouge correspond au rayonnement émanant de la surface. La courbe noire correspond au rayonnement mesuré depuis l’espace. La différence entre les deux courbes montre qu’une partie du rayonnement terrestre est absorbée par les gaz présents dans l’atmosphère. Comme les régions d’absorption sont des caractéristiques des gaz, le spectre peut être utilisé pour tirer des conclusions sur la composition de l’atmosphère. Par exemple, la forte absorption dans la plage d’environ 5 à 8 micromètres indique la présence de vapeur d’eau (H2O).

Simulation du spectre de la Terre. Source: Line et al., 2020

Si les spectres des exoplanètes semblables à la Terre mesurés par les instruments “LIFE” montrent des écarts dans la plage d’absorption de la vapeur d’eau, ça pourrait être une indication d’habitabilité. L’absorption dans la gamme du méthane (CH4) ou de l’ozone (O3) et surtout leur présence conjointe suggèrerait la présence de la vie, “le méthane et l’ozone réagissent rapidement l’un avec l’autre dans l’atmosphère, leur coexistence ne peut s’expliquer que par une activité biologique continue » explique Sascha Quanz.

Même si aucune des planètes étudiées ne présentait des signes de vie, cela n’exclurait pas la possibilité qu’elles soient habitées. “Sur Terre aussi, aucune signature correspondante n’aurait été mesurable au cours des deux premiers milliards d’années, alors qu’elle était déjà habitée » assure Sascha Quanz, ”et même si les résultats étaient négatifs en ce qui concerne l’eau, la mission ne serait pas vaine”. En effet selon les tests d’hypothèses statistiques, s’il y a 30 à 50 planètes environ qui sont dans la zone habitable mais qui ne contiennent pas d’eau, nous ne pourrions que conclure : l’habitabilité est tout simplement rare. La Terre pourrait donc être une exception.

Quoi qu’il en soit, la mission LIFE pourrait nous apporter des réponses à de très grandes questions et consolider ainsi le rôle de leader de la Suisse dans la recherche sur les exoplanètes. Mais on ne sait pas encore si le projet sera mis en œuvre, il est toujours en discussion à l’ESA dans le cadre du programme Voyage 2050. Nous devrions en savoir plus d’ici l’automne.

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