Le télescope spatial CHEOPS prend ses premiers clichés

Une nouvelle étape a été franchie dans la mise en service de CHEOPS: après l’ouverture du couvercle du télescope spatial le 29 janvier 2020, CHEOPS a maintenant pris ses premières images du ciel. CHEOPS est un projet de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) et de la Suisse placé sous la houlette de l’Université de Berne, en collaboration avec l’Université de Genève.

La tension était à son comble: Réunis non loin de Madrid devant un grand écran dans la maison occupée par les membres du Consortium participant à la mise en service du satellite ainsi que dans les autres instituts impliqués dans la mission CHEOPS, les scientifiques et ingénieur·e·s attendaient les premières images du télescope spatial. « Les premières images qui devaient apparaître étaient primordiales pour nous afin de pouvoir évaluer si les éléments optiques du télescope étaient sortis indemnes du décollage de la fusée », explique Willy Benz, professeur en astrophysique à l’Université de Berne et responsable de la mission CHEOPS. « Lorsque les premières images d’un champ stellaire sont apparues sur l’écran, tout le monde a immédiatement compris: le télescope fonctionne », se réjouit-il. Maintenant la question est de savoir jusqu’à quel point.

Des premières images qui dépassent toutes les attentes

Une première analyse a montré que les images prises par CHEOPS dépassent les attentes. Dans ce cas précis, cela ne signifie pas qu’elles sont parfaitement nettes, car le télescope a été intentionnellement défocalisé. Ainsi la lumière collectée est répartie sur de nombreux pixels, afin d’atténuer l’effet des mouvements du satellite sur les images et d’accroître la précision photométrique. « Cerise sur le gâteau, les images floues reçues sont néanmoins encore plus lisses et symétriques que ce que nous avions imaginé en nous appuyant sur nos mesures en laboratoire », indique Willy Benz. Une haute précision est nécessaire pour permettre à CHEOPS d’observer les petits changements dans l’intensité de la lumière reçue d’une étoile causés par le passage d’une exoplanète devant elle. Comme  les changements d’éclats sont proportionnels à la surface de l’exoplanète, CHEOPS pourra mesurer sa taille. «Ces premières analyses sont prometteuses et encourageantes pour les semaines à venir», poursuit-il.

D’autres tests de fonctionnement prévus

Au cours des deux prochains mois, les tests de fonctionnement de CHEOPS vont se poursuivre. « Nous allons analyser en détail de nombreuses autres images afin de déterminer le degré de précision que CHEOPS peut atteindre dans le cadre des différents aspects de son programme scientifique », explique David Ehrenreich, responsable scientifique de la mission à l'Université de Genève. « Les résultats obtenus jusqu’à présent nous laissent penser que nous sommes sur la bonne voie », conclut-il.

CHEOPS – À la recherche de planètes potentiellement habitables 

La mission « CHEOPS » (CHaracterising ExOPlanet Satellite) est la première des « S-class missions » (des missions de petites tailles disposant d’un budget de l’Agence Spatiale Européenne ESA inférieur à 50 millions d’euros) nouvellement mises en place par l’agence. CHEOPS réalisera des mesures ultra précises des étoiles et observera les petites variations de leur luminosité causées par le passage d’une planète devant l’étoile.

CHEOPS a été conçu dans le cadre d’une collaboration entre l’ESA et la Suisse. Un consortium de plus d’une centaine de scientifiques et ingénieurs originaires de onze pays européens ont participé à la construction du satellite pendant cinq ans sous la direction de l’Université de Berne et de l’ESA.

Le mercredi 18 décembre 2019, CHEOPS a commencé son voyage dans l’espace au bord d’une fusée Soyouz-Fregat à la gare spatiale européenne de Kourou, Guyane. Depuis lors, CHEOPS tourne autour de la Terre en une heure et demi environ à une hauteur de 700 kilomètres le long de la frontière entre le jour et la nuit.

La Confédération suisse participe au télescope CHEOPS dans le cadre du programme PRODEX (PROgramme de Développement d'Expériences scientifiques) de l'Agence spatiale européenne ESA. Grâce à ce programme, des contributions nationales pour des missions scientifiques peuvent être développées et mises en place par des équipes de projet issues de la recherche et de l'industrie. Ce transfert de connaissances et de technologie entre la science et l'industrie confère à la Suisse un avantage concurrentiel structurel en tant que place économique – et permet à des technologies, des processus et des produits de se répandre sur d'autres marchés et de générer ainsi une valeur ajoutée pour notre économie.

Plus d’informations: https://cheops.unibe.ch/fr/

Recherche en astrophysique bernoise : parmi l’élite mondiale depuis le premier alunissage

Le 21 juillet 1969, Buzz Aldrin a été le deuxième homme à descendre du module lunaire, il a tout de suite déployé la voile à vent solaire bernoise et l'a plantée dans le sol lunaire, avant même le drapeau américain. Le Solar Wind Composition Experiment (SWC) planifié, construit et les résultats analysés par le Prof. Dr. Johannes Geiss et son équipe à l’institut de physique de l’Université de Berne, a été le premier moment fort de l’histoire de la recherche en astrophysique bernoise.

Depuis, cette recherche fait partie de ce qui se fait de mieux au niveau mondial. Le bilan en chiffres est impressionnant : 25 fusées (1967-1993) et 9 montgolfières (1991-2008) ont emportés des instruments dans la haute atmosphère et ou l’ionosphère, plus de 30 instruments ont intégré des sondes spatiales et avec CHEOPS, l’Université de Berne partage la responsabilité de l’intégralité d’une mission avec l’ESA.

Le travail fructueux du département de recherche en astrophysique et planétologie (RAP) de l’Institut de physique de l’Université de Berne a été consolidé par la fondation d’un centre de compétences universitaire, le Center for Space and Habitability (CSH). Le Fonds national suisse a en outre accordé à l’Université de Berne le financement du pôle de recherche national (PRN) PlanetS, qu’elle dirige avec l’Université de Genève.

Les exoplanètes à Genève : 24 ans d’expertise couronnés par un prix Nobel

CHEOPS apportera des informations cruciales sur la taille, la forme, la formation, l’évolution d’exoplanètes connues. L’installation du « Science Operation Center » de la mission CHEOPS à Genève et placé sous la supervision de deux professeurs du Département d’Astronomie de l’UNIGE, est une continuation logique de l’histoire de la recherche dans le domaine des exoplanètes puisque c’est ici que la première a été découverte en 1995 par Michel Mayor et Didier Queloz, lauréats du prix Nobel de physique 2019. Cette découverte a permis au Département d’Astronomie de l’Université de Genève de se situer à la pointe de la recherche dans le domaine avec notamment la construction et l’installation de HARPS sur le télescope de 3.6m de l’ESO à La Silla en 2003, un spectrographe qui est resté pendant deux décennies le plus performant du monde pour déterminer la masse des exoplanètes. HARPS a cependant été surpassé cette année par ESPRESSO, un autre spectrographe construit à Genève et installé lui sur le VLT à Paranal.

CHEOPS est donc le résultat de deux expertises nationales, d’une part le savoir-faire spatial de l’Université de Berne avec la collaboration de son homologue genevoise et d’autre part l’expérience au sol de l’Université de Genève secondée par sa consœur de la capitale. Deux compétences scientifiques et techniques qui ont également permis de créer le pôle de recherche national (PRN) PlanetS.

07.02.2020