Les phases des planètes
Ce samedi 25 mars 2017, Vénus est à la fois en phase nouvelle et au plus près de nous, à 42 millions de kilomètres de la Terre (110 fois la distance Terre-Lune). Cet événement est l’occasion de parler des phases des planètes, y compris des exoplanètes, et de voir quelles informations elles peuvent nous apporter.
Dans le système solaire
Comme la Lune, les objets inférieurs (c’est-à-dire situés plus près du Soleil que la Terre, dont les planètes Mercure et Vénus) montrent différentes phases lorsqu’on les observe dans le ciel. La durée entre deux phases identiques consécutives, qu’on appelle la période synodique, dépend à la fois de la période de révolution de la Terre autour du Soleil et de celle de l’objet observé. Elle vaut 29.53 jours pour la Lune, 115.88 jours pour Mercure et 583.92 jours pour Vénus.
L’apparence des objets lors de ces différentes phases est simplement due à la position relative de l’observateur, de l’objet qui éclaire (le Soleil) et de l’objet éclairé que l’on observe. Évidemment, on peut aussi observer les phases de différents objets – y compris de la Terre elle-même – depuis d’autres corps que notre planète.
Les exoplanètes : de la détection aux premières cartes
Au cours de leur orbite, les exoplanètes nous montrent également différentes phases. La situation est similaire à celle avec Mercure ou Vénus, où l’exoplanète joue ici le rôle de la planète inférieure et l’étoile celui du Soleil.
En pratique, on ne peut généralement pas voir directement les exoplanètes, et même dans les quelques cas où c’est possible, on ne résout pas encore la surface de la planète et donc on ne peut pas observer directement les phases de ces objets. Cependant, que l’on distingue ou non la planète de son étoile, il y aura dans tous les cas une variation de luminosité induite par le changement de phase de la planète, comme pour la Lune ou Vénus. Il n’est pas encore possible de détecter cette variation pour toutes les exoplanètes, mais elle a néanmoins déjà été mesurée pour un certain nombre d’entre elles. Un avantage de cette technique est qu’on n’a pas besoin que la planète transite devant son étoile.
Grâce à cette méthode, on a d’ores et déjà pu dresser la carte thermique de quelques exoplanètes. Pour le moment, ces cartes ont encore une résolution relativement limitée, mais ce domaine d’exploration est encore jeune et il ne fait aucun doute que la technique va se perfectionner dans les années qui viennent. La première exoplanète ainsi cartographiée, le Jupiter chaud HD 189733 b, l’a été en 2007 par Heather Knutson et ses collaborateurs grâce aux observations réalisées avec le télescope spatial Spitzer. Depuis, cette technique a été appliquée à d’autres planètes, comme la super-Terre 55 Cancri e, dont l’étude a été publiée par Brice-Olivier Demory (aujourd’hui membre de PlanetS) et ses collaborateurs en 2016. Même si ces cartes ne permettent pas encore de voir des détails très précis à la « surface » de ces planètes, elles permettent néanmoins déjà d’avoir certaines informations globales sur ces objets. comme la redistribution de la chaleur ou la présence de vents.
Par exemple, sur HD 189733 b, la température varie entre 700 et 930 °C, ce qui montre que la chaleur de l’étoile reçue côté jour est plutôt bien redistribuée côté nuit. Aussi, le point le plus chaud de la planète n’est pas situé face à l’étoile, mais décalé d’environ 16 degrés vers l’est, ce qui est le signe de vents violents dont la vitesse est estimée à près de 10 000 kilomètres par heure. De son côté, sur 55 Cancri e, la température varie entre 1100 et 2400 °C, ce qui montre que la redistribution de la chaleur est beaucoup moins efficace. Là encore, le point le plus chaud est décalé, d’environ 40 degrés vers l’est. On notera que ces cartes sont construites sur l’hypothèse que la planète est en rotation synchrone autour de son étoile, c’est-à-dire qu’elle fait un tour sur elle-même lors de chaque orbite et donc qu’elle montre toujours la même face à l’étoile, comme la Lune autour de la Terre. Cette hypothèse est justifiée par des études théoriques mais reste pour le moment difficilement vérifiable par des observations.
Adrien Coffinet
Références :
Knutson et al., Nature 447, 183-186 (2007)
Demory et al., Nature 532, 207–209 (2016)