Comprendre la formation des planètes géantes
Ravit Helled occupe un bureau dans les bâtiments du campus Irchel de l’Université de Zurich, bâtiment Y11. Elle est avec son fils qui est âgé de seulement quelques semaines, “bien que j’aurais pu être présente lors de l’événement organisé par la NASA pour l’arrivée de Juno sur Jupiter, je n’y suis pas allée et pour cause, j’attendais un bébé», explique Ravit tout en maintenant son fils dans les bras, «c’était un événement plus important!”
Ravit a fait sa thèse de doctorat à l’Université de Tel-Aviv et a passé quatre ans à l’UCLA de Los Angeles comme postdoc et chercheur dans l’équipe Juno depuis 2007.
Quel était votre domaine de recherche ?
Les objectifs scientifiques de Juno correspondent très bien avec mon domaine de recherche qui porte sur la formation des planètes géantes.
Je suis revenu en Israël, où j’ai obtenu un poste de professeur. J’ai ensuite déménagé à Zurich en juin où je suis professeur et responsable de la plateforme coordination académique du PRN PalnetS.
Qu’est-ce que Juno?
Juno est une sonde envoyée par la NASA vers Jupiter, elle tournera 37 fois autour de la principale planète du système solaire, la fin de la mission étant prévue pour le 20/02/18. Juno va nous aider à mieux comprendre l’origine de Jupiter, sa composition chimique et la façon dont cette composition change avec la profondeur. Bien que je ne sois plus aux Etats-Unis, je suis toujours impliqué dans le projet en tant que membre de l’équipe scientifique.
Qu’allons nous apprendre avec Juno?
Il existe plusieurs instruments sur le satellite avec lesquelles on pourra mesurer les champs gravitationnels et magnétiques de Jupiter, sa composition atmosphérique, et étudier les aurores boréales et australes. Il est vraiment difficile de prédire ce que nous apprendrons grâce à Juno, car il y a toujours des surprises. Nous espérons avoir une meilleure connaissance du champ de gravitation et de la structure interne, ce qui est important pour la compréhension des planètes géantes. Dans les années 90, la sonde Galileo a mesuré une atmosphère très sèche, la concentration de l’eau était plus faible que prévu ce qui a posé un vrai défi pour expliquer la formation des planètes. L’explication courante est que la sonde était entrée dans une «hot spot», une région sèche avec une faible concentration d’eau. Juno devrait nous aider à résoudre ce mystère car il permettra de mesurer l’abondance de l’eau jusqu’à une pression plus élevée et couvrira toute la surface de la planète.
Ensuite, nous allons mesurer le champ magnétique et la vitesse de développement des aurores, dans le but d’une meilleure compréhension de ce phénomène sur Jupiter comme sur Terre.
Quelles sont les principales questions sur les planètes géantes?
Nous ne savons pas vraiment comment se forment les planètes géantes ni comment leur composition chimique est liée à l’histoire de leur formation. Dans le cas de Jupiter, nous voulons savoir: comment, où, et en combien de temps? Comprendre la formation des planètes géantes est important parce qu’elles sont les premières à se former, et vu leurs grandes masses comme elles peuvent perturber de petits objets et affecter la formation d’autres planètes dans le système. Par exemple, une formation rapide de Jupiter pourrait conduire des objets riches en eau (comme les comètes) dans la partie intérieure du système solaire, et ainsi de fournir de l’eau sur Terre. Comprendre la formation des planètes géantes est cruciale pour la compréhension de la formation des systèmes planétaires.
Quel est votre domaine actuel de recherche?
Je suis intéressé par la détermination du champ de gravité de Jupiter et par celle de l’abondance de l’eau. Le champ gravitationnel de Jupiter affecte les mouvements de la sonde Juno et en utilisant l’effet Doppler (changements dans la fréquence d’un signal radio reçu par et renvoyé sur Terre), nous pouvons obtenir des informations sur la distribution de la densité de Jupiter, et donc sa composition. En combinant l’information sur l’abondance de l’eau et sur la nature du champ magnétique nous pouvons mieux contraindre la structure interne de Jupiter,
Et la migration planétaire?
C’est un peu plus difficile, si nous pouvons mettre de bonnes contraintes sur la composition chimique de l’atmosphère et sur la proportion d’eau alors nous pourrons être en mesure de montrer où la planète s’est formée. Mais il y a beaucoup d’incertitudes, donc je ne pense pas qu’il y aura une conclusion unique.
Avec la fin de mission de Cassini et maintenant avec Juno, nous aurons des mesures des deux planètes géantes du système solaire.
Saturne est souvent considérée comme un mini-Jupiter, mais son noyau semble être plus massif que celui de Jupiter, nous ne savons pas vraiment quelles sont les différences entre les deux planètes et ce qui les provoque. Cependant, Cassini et Juno feront des mesures très semblables quand elles iront s’écraser sur leur planète respective dans plus ou moins un an (le 20/02/18 pour Juno et le 15/09/17 pour Cassini). Donc, nous nous attendons à des mesures très précises qui nous permettront de comparer les structures internes de ces deux planètes.
Avec Jupiter (et Saturne) nous auront des cas de test que nous pourront utiliser comme prototype de planètes géantes. Cette connaissance pourra être utilisée pour mieux comprendre l’intérieur des exoplanètes géantes, ainsi que l’histoire de leur formation.