Nouveau chasseur d’exoplanètes, NIRPS reçoit sa première lumière
A la pointe de la recherche d’exoplanètes et de la production d’instruments dédiés à ce domaine, l’Université de Genève (UNIGE) vient d’achever la mise en service du spectrographe NIRPS, en collaboration avec l’Université de Montréal. Installé sur le télescope de 3,6 mètres de l’Observatoire européen austral (ESO), sur le site chilien de La Silla (désert d’Atacama), à côté de son grand frère le spectrographe visible HARPS, NIRPS aura pour mission d’observer les étoiles dans le proche infrarouge afin de mesurer leurs vitesses radiales. Son principal objectif est de détecter des exoplanètes rocheuses dans la zone habitable des étoiles de type M, plus petites et plus froides que le Soleil. La détection et la caractérisation des planètes autour de ce type d’étoiles, qui représentent 75% des étoiles de notre Galaxie, est l’une des prochaines étapes dans le long périple sur l’étude de la vie dans l’Univers.
Le spectrographe Near Infra Red Planet Searcher (NIRPS), installé sur le télescope de 3,6 m de l’ESO à l’Observatoire de La Silla au Chili, a effectué avec succès ses premières observations . Sa mission consiste à rechercher de nouvelles exoplanètes autour des étoiles les plus froides de la Voie lactée.
Le Département d’astronomie de l’UNIGE avec la contribution du Pôle National de recherche (PNR) PlanetS a contribué à cet ambitieux projet en construisant le système d’optique adaptative permettant d’injecter la lumière du télescope dans la fibre optique alimentant le spectrographe et le logiciel de réduction des données qui permet de passer des observations brutes aux observations utilisables par les scientifiques. Enfin, l’unité de calibration permettant l’étalonnage du spectrographe a été réalisé par les deux instituts hôtes de PlanetS, les universités de Berne et Genève.
« Il s’agit de l’un des premiers spectrographes à haute résolution équipé d’un système d’optique adaptative », s’enthousiasme François Bouchy, professeur associé au Département d’astronomie de l’UNIGE et co-responsable de cet instrument. « Cela démontre une nouvelle fois que Genève est à la pointe de l’instrumentation et de l’innovation sur la recherche des exoplanètes. »
A la recherche de la Vie
Contrairement à HARPS qui fonctionne avec la lumière visible, NIRPS observera les étoiles dans l’infrarouge. En se focalisant sur les étoiles de type M, plus petites que le Soleil et qui émettent leur lumière principalement dans le proche infrarouge, NIRPS permettra de détecter des petites planètes rocheuses dans la zone habitable de ces étoiles. L’étude de ces petites planètes est l’une des étapes nécessaires de la recherche de la vie dans l’Univers. Les étoiles de type M ont en effet un avantage observationnel. D’une part, elles sont moins massives ce qui rend les mouvements induits par la présence d’une planète plus facile à détecter. D’autre part, étant moins chaudes que le Soleil, la zone habitable des étoiles de type M se trouve beaucoup plus proche de l’étoile. Les planètes dans cette zone ont ainsi une période orbitale plus courte, ce qui facilite leur détection et leur étude.
« NIRPS arrive à point nommé puisqu’il entre en fonction au moment de la mise en place du nouveau Centre facultaire pour la Vie dans l’Univers au sein de l’UNIGE », indique Francesco Pepe, directeur du Département d’astronomie et co-chercheur du projet NIRPS. « Cet instrument va permettre aux astrophysiciens/ennes genevois-es de rester leader dans la recherche et la caractérisation des exoplanètes.»
Le bras rouge du 3,6 m
Autre différence essentielle entre HARPS et NIRPS : ce dernier s’appuiera sur un puissant système d’optique adaptative (AO). Ce système corrige la turbulence atmosphérique, qui provoque le scintillement des étoiles. « L’AO nous a permis de réduire la taille des fibres, et donc du spectrographe cryogénique, d’un facteur 2.5 par rapport à un instrument conventionnel. Ce qui est considérable » se réjouit Nicolas Blind, .
Les deux instruments installés sur le même télescope de 3,6 m de diamètre pourront être utilisés en simultané afin de permettre une analyse complète dans la lumière visible (HARPS) et infrarouge (NIRPS) de ces mondes rocheux qui attendent d’être découverts. Le développement de NIRPS a aussi permis de développer des technologies comme par exemple le nouveau réseau de diffraction qui vont être utile à des futurs instruments sur le Extremely Large Telescope (ELT).
Une expertise Genevoise
NIRPS recherchera les exoplanètes en utilisant la méthode des vitesses radiales. Lorsqu’une planète tourne autour d’une étoile, son attraction gravitationnelle fait légèrement “vaciller” l’étoile, ce qui entraîne un décalage vers le rouge ou vers le bleu de sa lumière, lorsqu’elle s’éloigne ou se rapproche de la Terre. En mesurant les changements subtils dans la lumière de l’étoile, NIRPS aidera les astronomes à mesurer certaines propriétés de la planète, telles que sa masse. NIRPS permettra aussi de sonder et caractériser les atmosphères des exoplanètes.
C’est cette même technique que Michel Mayor et Didier Queloz ont utilisé pour détecter la toute première exoplanète en 1995, découverte qui leur a valu le prix Nobel de Physique 2019. Le spectrographe utilisé alors s’appelait ELODIE et avait été inventé par les deux chercheurs suisses en collaboration avec l’opticien André Baranne. Forts de ce premier succès, les chercheurs genevois s’étaient vus confier par l’ESO la réalisation du spectrographe HARPS qui a vu le jour sur le site de La Silla en 2003.
Quelques années plus tard, l’ESO se tourne à nouveau vers la Suisse pour la création de son nouveau spectrographe à destination de ses plus gros télescopes, les Very Large Telescope, sur son second site chilien, Paranal. Mis en service en 2018 le spectrographe ESPRESSO permet aux chercheurs suisses d’atteindre une précision inégalée et de détecter des exoplanètes de la taille de la Terre.
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